??? Mehdi Ben Barka, figure intellectuelle et politique du mouvement anticolonialiste et opposant au roi Hassan II du Maroc, condamn? ? mort par contumace par la justice de son pays, dispara?t le 29 octobre 1965 ? Paris. Ce vendredi-l?, Mehdi Ben Barka a rendez-vous devant la brasserie Lipp, Boulevard Saint-Germain ? Paris, avec le cin?aste Georges Franju qui envisage de r?aliser un film sur la d?colonisation intitul? Basta !. Il s'agit en r?alit? d'un pi?ge, mont? par le journaliste Philippe Bernier et un producteur de cin?ma ancien repris de justice, Georges Figon, li? aux milieux intellectuels parisiens mais aussi ? une bande de truands recrut?e par les services secrets marocains. Il est 12h15. Deux policiers de la brigade mondaine, Louis Souchon et Roger Voitot, exhibant leur carte de police, invitent Ben Barka ? monter ? bord d'une voiture o? se trouve ?galement Antoine Lopez, un agent du SDECE (les services du contre-espionnage fran?ais de l'?poque). Il est conduit ? Fontenay le Vicomte (Essonne) dans la villa d'un truand, Georges Boucheseiche. D?s lors, on perd sa trace. Nul ne reverra vivant le principal dirigeant de l'Istiqlal, fondateur de l'Union des Forces Populaires du Maroc (USFP). Son corps ne sera jamais retrouv? et l'affaire Ben Barka n'est toujours pas v?ritablement ?lucid?e, malgr? plusieurs instructions judiciaires en France et au Maroc.
L'enqu?te judiciaire de l'?poque fait rapidement appara?tre quelques protagonistes, politiciens, agents des services secrets et truands. Co?ncidence: le g?n?ral Mohamed Oufkir, ministre marocain de l'Int?rieur, Ahmed Dlimi, directeur de la s?ret? nationale marocaine, et un certain Chtouki, chef des brigades sp?ciales marocaines, se trouvaient ? Paris ? cette date-l?. En pleine campagne ?lectorale pour la r??lection du g?n?ral de Gaulle ? la pr?sidence de la R?publique, l'affaire soul?ve l'indignation des milieux politiques francais, notamment de l'opposition de gauche, Fran?ois Mitterrand en t?te. Le chef de l'Etat, dans une conf?rence de presse du 22 f?vrier 1966, minimise la part des services secrets fran?ais et fait porter toute la responsabilit? sur le g?n?ral Oufkir. Plus tard, Georges Figon affirmera aussi avoir vu Oufkir tuer l'opposant marocain avec un poignard dans la villa de Boucheseiche.
La premi?re instruction judiciaire men?e par le juge Louis Zollinger aboutit ? l'inculpation de treize personnes dont le g?n?ral Mohamed Oufkir, Ahmed Dlimi, Marcel Leroy-Finville, un des responsables du SDECE, Antoine Lopez et Georges Figon. Le proc?s s'ouvre le 5 septembre 1966. Six accus?s sur treize sont dans le box. Les sept autres, dont Oufkir, Dlimi et Boucheseiche, font d?faut. Deux coups de th??tre relancent l'affaire Ben Barka: d'une part l'un des accus?s, Figon, cern? par la police, est retrouv? mort; l'enqu?te concluera ? un suicide. D'autre part, Dlimi se constitue prisonnier. En revanche, le roi Hassan II refuse que son ministre de l'Int?rieur, Oufkir, comparaisse devant la justice fran?aise.
Un second proc?s s'ouvre le 17 avril 1967 en l'absence de la famille Ben Barka, retir?e des d?bats apr?s le d?c?s subit de ses principaux avocats. Apr?s avoir fait d?filer 167 t?moins, le tribunal rend le 5 juin 1967 un verdict qui acquitte Dlimi et les protagonistes fran?ais, ? l'exception de Lopez et Souchon, condamn?s respectivement ? huit et six ans de prison. Mohamed Oufkir, d?sign? par les magistrats comme le grand responsable de la disparition de Mehdi Ben Barka, est condamn? par contumace ? la r?clusion ? perp?tuit?. La condamnation en France de ce ministre ?tranger en exercice, fait sans pr?c?dent dans le droit international, provoque le gel des relations diplomatiques franco-marocaines pendant deux ans.
En 1975, le fils de Mehdi Ben Barka, Bachir Ben Barka, d?pose une nouvelle plainte pour "assassinat, tentative et complicit? d'assassinat" et, sept ans plus tard, le premier ministre socialiste Pierre Mauroy autorise la r?ouverture d'une partie des dossiers, "sous r?serve que cela ne porte pas atteinte ? la s?curit? nationale". 200 pi?ces ?manant de la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) et de la Direction G?n?rale de la S?curit? Ext?rieure (DGSE, nouvelle appellation du SDECE), restent toutefois classifi?es. En janvier 2000, apr?s le d?c?s du roi Hassan II survenu en 1999, de nouvelles pi?ces du dossier sont d?voil?es, mais celles-ci se r?v?lent encore insuffisantes pour mener ? terme l'instruction d?finitive. En 2004, le "Secret D?fense" est lev? sur l'ensemble du dossier par la ministre de la D?fense Mich?le Alliot-Marie et les 73 derniers documents manquants sont enfin mis ? disposition de la justice et des historiens. Un an apr?s, le ministre de la Justice aupr?s du nouveau roi du Maroc, Mohammed VI, d?signe un juge d'instruction pour faire le point sur l'affaire Ben Barka. L'instruction est toujours en cours, m?me s'il ne fait d?sormais presque aucun doute que le crime a ?t? ordonn? au plus haut niveau de l'Etat marocain par Hassan II lui-m?me et ex?cut? ? Paris par des truands et des barbouzes sous les yeux, sinon avec la complicit?, des services secrets fran?ais.
L'affaire Ben Barka a inspir? de nombreux livres et plusieurs films dont notamment L'attentat d'Yves Boisset (1972) et J'ai vu tuer Ben Barka de Serge Le P?ron (2006).
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